Grand-Vabre

Quelques bribes d’histoire

Grand-Vabre

 

C'est dans une charte de Louis le Débonnaire, signée le 8 avril 819 à Aix-la-Chapelle, que l'on trouve trace, pour la première fois, de la localité de Grand-Vabre. Plusieurs églises des environs sont alors données à l’abbaye de Conques et l’on rapporte, dans ce précieux document, que « Dadon, conformément au désir que Dieu lui avait inspiré, se retira dans un lieu encore plus éloigné qui s'appelle Grandvabre ». Toutefois, un village semble avoir existé avant le VIIIe siècle, ainsi que le laisse supposer la découverte, lors de fouilles réalisées en 1970 aux environs de la chapelle Notre-Dame de la Nativité, d'un mur datant de l'époque mérovingienne.

Selon les spécialistes, Grand-Vabre tirerait son nom du celte vabero qui signifie ravin. Après un passage par le latin vabrum, le mot se serait transformé pour devenir vabre en occitan. Les avis sont, par contre, partagés sur l'origine de Grand. Pour certains, ce terme viendrait du latin grande que l'on retrouve effectivement dans certains écrits. Pour d'autres, à l'origine, il s'orthographiait en celte Gand ou Gan, ce qui, pour certains historiens, sous-tendrait une notion de dureté, alors que pour d'autres, il correspondrait à l'article le. L'une ou l'autre des deux hypothèses basées sur les origines celtes du mot semblent confirmées par le fait qu'en occitan, langue par laquelle s'est transmis de génération en génération le nom de Grand-Vabre, on prononce gan.

De l'histoire de Grand-Vabre, entre le VIIIe et le XVIIIe siècle, on ne sait, pour l’heure, que peu de choses. Certains documents relatifs aux édifices religieux de la paroisse mettent toutefois en lumière l'importance de l'abbaye et, après 1537, du chapitre de Conques auxquels étaient rattachées l'église Saint-Pierre, l'église Notre-Dame ainsi que la chapelle de Monédiès. En 1771, l'État du diocèse de Rodez, établi sur la base du questionnaire de l’évêque Champion de Cicé, permet de se faire une idée de la vie de la paroisse de Grand-Vabre à cette époque. Celle-ci comptait 900 habitants, dont 90 dans le bourg et 310 répartis dans 38 hameaux. 400 d'entre eux étaient considérés comme pauvres, et parmi ceux-ci 100 étaient mendiants. 

On cultivait le seigle, l'avoine ou encore le blé noir, et quelques terrasses accueillaient la vigne. Il y avait fort peu de pâturages et beaucoup de terres en friches ou infertiles. On ne dénombrait que 38 paires de bœufs employés au labour. Aucun commerce n'était implanté dans la paroisse qui comptait, par ailleurs, huit tisserands.

Il semble que la période de la Révolution ait été relativement calme à Grand-Vabre. Il convient toutefois de noter l'arrestation, par les gendarmes d'Aubin, de deux prêtres réfractaires qui avaient trouvé refuge dans la chapelle de Monédiès. C'est à cette époque que fut créée la commune de Grand-Vabre à laquelle fut rattachée la localité de La Vinzelle.

 

Le nom du village de La Vinzelle viendrait de vinum (vin) et de cella (cave), d’où vincella en bas latin. Le village qui possédait « haute justice et château terrible », était important au Moyen Âge. Ancienne terre des comtes de Toulouse, c’était une étape sur la route de Saint-Jacques-de-Compostelle (il y a d’ailleurs une porte de La Vinzelle, à Conques). Un puissant château occupait l’emplacement actuel du clocher et de l’église. Il disparut au XVIe siècle, lors des guerres de religion.

Jusqu'à la Révolution et avant d'être rattachée au département de l'Aveyron, La Vinzelle appartint à la vicomté du Carladès qui comprenait la Châtaigneraie, au sud d'Aurillac, ainsi que la région de Mur-de-Barrez. En 1643, Louis XIII remit le Carladès au prince de Monaco, en compensation des pertes qu'il avait subies durant la Guerre de Trente Ans, pour son soutien à Louis XIII. Lors de son passage dans la région en 2014, le prince Albert de Monaco a confirmé son titre de seigneur de La Vinzelle.La Vinzelle fut un lieu de solitude où vécurent (au lieu-dit la Bécarie) les « enfarinats » (les « enfarinés »), des schismatiques qui avaient refusé le Concordat signé entre le pape et Napoléon en 1801. Ils vivaient en autarcie, ne sortant que très rarement et faisaient leurs dévotions au rythme des sonneries des cloches de La Vinzelle.

Le dernier des enfarinés se convertit en 1911 et reçut les sacrements de l’évêque de Saint-Flour, venu spécialement en ces lieux pour l’événement. L’historien Jean-Paul Desprat raconte cette passionnante histoire dans son livre Les Enfarinés.

Henry Mouly fut instituteur à La Vinzelle et créa, en 1922, « Lo Grelh Roergàs » afin de promouvoir la langue et la culture occitane (une plaque commémorative est apposée sur le mur de l’ancienne école). Son fils, Charles, créateur des célèbres personnages Catinou et Jacouti  y naquit. 

Quelques éléments du patrimoine local

La chapelle Notre-Dame de la Nativité (appelée aussi chapelle Dadon) est située sur la place du village de Grand-Vabre, en face du Monument aux Morts. Cet édifice aurait été, d’après la tradition orale, l’église primitive de Grand-Vabre. Aucun document, cependant, ne donne d’indication précise sur ses origines. On peut toutefois, selon toute vraisemblance, la faire remonter au Ve ou au VIe siècle. Ce dont on est certain, c'est qu’elle existait déjà au siècle suivant. Plusieurs textes mentionnent en effet que Dadon, le fondateur de l'abbaye de Conques, se retira à Grand-Vabre où il fut enseveli vers 755, devant la porte de la chapelle Notre-Dame qu'il avait fait réparer. Dadon serait représenté sur le tympan du Jugement dernier de l’abbatiale de Conques, sous la forme d’un vieillard à longue barbe appuyé sur un bâton, à la droite du Christ, derrière la Vierge Marie et l’apôtre saint Pierre. 

L’édifice a subi d’importantes modifications au cours des siècles. Un agrandissement est probablement intervenu vers la fin du XVe siècle. En 1884, la nef fut démolie. Seul subsiste, de nos jours, le chœur de la chapelle primitive qui a fait l’objet d’une dernière restauration à la fin des années 1970 et d’un ravalement en 1999.

La chapelle abrite une statue de la Vierge à l’Enfant, en bois polychrome, que l’on s’accorde à dater du XIVe siècle et qui a toujours fait l’objet d’une grande dévotion. L’œuvre a été fortement restaurée, une première fois en 1949 et, à nouveau, en 2016.

Cette Vierge couronnée porte l’Enfant Jésus sur le genou gauche et tient une fleur de lys dans la main droite. Deux berceaux en miniature, décorés de rouelles, entourent la statue, connue aussi, de ce fait, sous le nom de Notre-Dame-des-Berceaux.

La chapelle a été un lieu de pèlerinage actif avant la Révolution. Le culte de Notre-Dame-de-la-Nativité s'est ensuite relâché, surtout à partir du début du XXe siècle. Un regain d’intérêt a eu lieu dans les années cinquante. 

 

Jouxtant le cimetière, l’église Saint-Pierre domine le village de Grand-Vabre, comme pour le protéger. Aucun document ne permet de dater l’époque exacte de sa construction. On peut toutefois raisonnablement penser que l’édifice paroissial remonte au moins au XVe siècle puisque, d’après le Pouillé de Conques, elle existait déjà en 1510, sous le vocable de Saint-Pierre. Le clocher, de style roman à l’origine, a été surélevé en 1923, à l’occasion d’une restauration.

Le portail d’entrée, de style Renaissance, fut réalisé au XVIe siècle. Au centre du linteau, entouré d’une guirlande feuillagée, figure un blason, aujourd’hui martelé. Il présentait, à l’origine, une Foi héraldique (une poignée de mains en fasce), adoptée par le chapitre des chanoines de Conques. De part et d’autre de ce blason, des volutes en S, ainsi que des médaillons ornés de profil à l’antique et des petits anges tenant un phylactère, rappellent les motifs artistiques de cette période. Le fronton triangulaire, au-dessus du linteau, est quant à lui surmonté d’une statuette de saint Pierre mitré. 

Rénovée au cours des dernières années du XXe siècle, l’église Saint-Pierre a conservé, sur son mur de façade, la devise républicaine « Liberté, Égalité, Fraternité » ! 

À l’intérieur, les voûtes sur croisée d’ogives s’accompagnent de clés et de culots sculptés, sur lesquels figurent à nouveau, à plusieurs reprises, les armes du chapitre de Conques.

Dans le chœur, à droite du maître-autel, on peut admirer, scellé au mur, un haut-relief en calcaire, daté du milieu du XVe siècle. Il représente une Vierge de Pitié, accompagnée des protagonistes habituels de la scène : saint Jean et Marie-Madeleine. À noter la présence, plus exceptionnelle, de sainte Foy (avec le gril, attribut de son martyre) et de sainte Catherine d’Alexandrie (avec la roue).

Dans une vitrine sécurisée, est rassemblé le Trésor de l’église, constitué notamment d’une croix de procession en argent, œuvre de Pinel, orfèvre à Rodez et à Toulouse, et datant du dernier quart du XVIIIe siècle. 

Dans les chapelles latérales, se trouvent, entre autres, deux bustes reliquaires en bois ainsi qu’un remarquable tableau peint sur bois, datant de 1625, que l’on peut raisonnablement attribuer au peintre ruthénois Baptiste Péra. Ce triptyque représente, dans le panneau central, la Vierge du Rosaire, avec saint Dominique et sainte Catherine de Sienne, dans le panneau de gauche, la Nativité, dans celui de droite,  l’Assomption. 

Située au fond d’une gorge étroite, le long d’un affluent de la rive gauche du Dourdou, la chapelle de Monédiès est accessible depuis le village par un sentier de randonnée. 

Un faisceau d'indices permet de situer la construction de ce modeste édifice au XIe siècle, sur les lieux d'un ancien ermitage. Le fait qu'il soit dédié à saint Léonard, ermite limousin, fondateur du monastère de Noblat, est peut-être lié à la présence, à proximité, d’un chemin emprunté autrefois par les pèlerins en provenance du Limousin. 

La légende prétend que le moine qui rapporta à Conques les reliques de sainte Foy aurait fait halte en cet endroit, et que la chapelle aurait également servi de refuge aux habitants de la région, lors des périodes troublées, ainsi qu’à des brigands parcourant la contrée. Au Moyen Âge, la chapelle perdit son statut d'ermitage et devint un prieuré sans cure, relevant de l’abbaye de Conques. Durant la Révolution française, elle servit de cachette à deux prêtres réfractaires, avant qu’ils ne soient dénoncés et arrêtés. Le 12 mai 1791, la chapelle de Monédiès fut vendue comme bien national à un habitant du Périé, hameau situé à proximité.

L’édifice présente certaines des caractéristiques des églises préromanes rouergates, notamment un plan particulier, dit en double boîte (juxtaposition de deux quadrilatères, un pour la nef, un pour le chœur, tous deux séparés par un arc triomphal outrepassé et éclairés par d’étroites fenêtres).  

Après le don du site, fait au profit de la commune par la famille des propriétaires des lieux, la chapelle, qui était en ruine, a fait l’objet, à partir du milieu des années 1990, de travaux de sauvegarde à la diligence de la commune et de l’association Culture & Patrimoine. En 2009, pour cette restauration exemplaire, Culture et Patrimoine s'est vu attribuer par le Conseil Général de l'Aveyron le 1er Prix Départemental du Patrimoine. Pour sa part, la commune a obtenu, en 2010, la Mention Spéciale du Jury national des Rubans du Patrimoine.

La chapelle Saint-Roch est également située aux environs de Grand-Vabre, sur les hauteurs du Roucan, d’où l’on bénéficie d’une vue magnifique sur la vallée. C’est entre 1885 et 1890 que fut construit ce modeste édifice, au moyen d’une souscription ouverte auprès de la population locale. Saint Roch était vénéré en tant que protecteur des animaux et des cultures. Lors de graves épizooties ou à l’occasion de catastrophes climatiques affectant les récoltes, la population invoquait la protection divine, accomplissant processions et autres formes de dévotion collective. Les bénédictions avaient lieu en direction des vallées du Lot et du Dourdou, et ce, à dates fixes : le 16 août pour les animaux, avant la fête de l’Ascension pour les cultures et à l’occasion des rogations. 
La restauration complète de la chapelle a été réalisée en 1999-2000. 

À proximité, au Roucan, se dresse la statue de Notre-Dame de la Paix. Pour l’atteindre, il faut emprunter un sentier à l’arrière de la chapelle. Cette statue a été élevée en 1945 sur un piton panoramique, à la suite d’un vœu effectué pendant la seconde guerre mondiale. En effet, en août 1944, le curé du village, forma le vœu de faire ériger une statue de la Vierge si la localité de Grand-Vabre avait « la joie de voir revenir sains et saufs tous ses enfants présentement en Allemagne… ». La chose advint très heureusement, et le monument fut inauguré le 15 août 1945. 

Enjambant la rivière du Lot et assurant la liaison entre les départements de l’Aveyron et du Cantal, le pont de Coursavy doit son nom à un hameau de la commune de Cassaniouze, près duquel il est construit. 

L’histoire de ce monument est étroitement liée à celle de Grand-Vabre. Jusqu’en 1857, les deux rives du Lot n’étaient reliées que par un « pont volant », à hauteur du hameau des Pélies. Pour faciliter les échanges entre les deux départements, il fut décidé de construire un pont en bois qui s’écroula en 1859, avant même son achèvement ! En 1865, il fut repris en maçonnerie et mis en service en 1867. Au fil du temps, de graves désordres se produisirent, en raison notamment des crues et des mouvements de terrain. En 1937-1938, la voûte droite fut remplacée par un tablier en béton armé. Quant à la voûte centrale, elle fut détruite par les Résistants en 1944, mais reconstruite l’année suivante. Les fissures détectées par la suite, et dont l’origine se trouvait dans le plissement du terrain, côté Cantal, conduisirent à la fermeture, en 1992, du pont de Coursavy, et à la construction, à environ 500 mètres en aval, du nouveau pont de Grand-Vabre, deux fois plus long que le précédent. La destruction du vieux pont de Coursavy fut alors programmée, mais l’opposition de la population à ce projet, et sa mobilisation, permirent la conservation de l’ancien monument.  

Fondée en 1979, l’Association des Amis de La Vinzelle est à l’origine du formidable renouveau de ce village, aujourd’hui très apprécié par de  nombreux touristes pour son authenticité et la richesse de son patrimoine.

Plusieurs fois remaniée, l’église paroissiale, dédiée à saint Clair et à saint Roch, remonte, pour ses parties les plus anciennes, au XIe siècle. À l’origine, elle tenait lieu de chapelle castrale. Le clocher, construit à l’emplacement du château, est indépendant de l’église actuelle. Il se dresse sur ce rocher depuis la fin du XIXe siècle et abrite la « campana bèla », cloche de 1 250 kg dont la mise en place ne fut pas dénuée de péripéties… À l’intérieur de l’église, dans une vitrine sécurisée, sont exposés des objets de culte. 

À proximité de l’édifice, un Chemin de Croix s’étire le long de la crête rocheuse du Peyral (de l’occitan « peiral », « carrière de pierre »). 

À l’entrée du village, se trouve la fontaine Saint-Clair, réputée autrefois pour son eau bienfaisante, notamment pour les yeux. 

Le village de La Vinzelle est primé au concours des « villages fleuris » depuis 1993 et a obtenu « une fleur » en 2003.