Quelques bribes d’histoire
La plaine de Saint-Cyprien, durant le Haut Moyen Age, n’était composée que de marécages, ainsi que l’atteste le toponyme Sanhes (Sagnie en 883, Sanicus, entre 1010 et 1053, Sanhas au XIIe siècle). Ces terrains incultes furent progressivement asséchés grâce à l’action des moines de Conques qui auraient, d’après la légende, débarrassé la vallée étroite du Dourdou de son verrou rocheux. C’est à cette puissante abbaye bénédictine, en effet, que l’on doit les premières mises en valeur de terres dans la région, tout autour des villae, autrement dit des domaines dont les hameaux actuels tirent leurs noms : La Serre (villa de Serra, à partir de 942), Arjac, (villa Arsiaco, en 983)… Rien d’étonnant donc à rechercher les origines de Saint-Cyprien, sur les hauteurs, plus précisément au Verdus (villa Verneducio). C’est ainsi qu’en 883, un nommé Bernard donna à l’abbaye de Conques deux églises : la première, placée sous le vocable de saint Cyprien et de saint Jean, la seconde, sous celui de saint Amans. L’un de ces édifices, au moins, était érigé en ce lieu du Verdus. Très logiquement, par la suite, les habitants, regroupés au sein d’une paroisse nouvelle, s’établirent au plus près de la plaine, désormais rendue aux cultures. Une nouvelle église, érigée à Saint-Cyprien même (« ecclesia sancti Cipriani »), réapparait entre 1065 et 1087. En 1294, le prieuré fut placé par l’évêque de Rodez Raymond de Calmont dans la mense de l’abbaye de Conques et c’est l’abbé en personne qui nommera, jusqu’à la Révolution française, le desservant de la cure.
De par sa situation privilégiée dans la vallée du Dourdou, Saint-Cyprien, tout au long de son histoire, connut une relative prospérité. Lieu de passage obligé pour les travailleurs saisonniers venant de la Haute-Auvergne toute proche, le bourg se développa, en même temps qu’il sut diversifier ses activités économiques et ses échanges, à l’occasion, par exemple, des quatre foires annuelles. Très tôt, la localité accueillit pareillement de nombreux marchands et artisans. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, l’offre s’est ainsi étendue à de nombreuses professions : tailleurs, tisserands, chapeliers, forgerons, charpentiers, sabotiers, cordonniers, maçons, maréchaux ferrants… On trouve même un chirurgien, à même d’assurer quelques saignées (1730), ainsi qu’un apothicaire (1721)…
L’enquête commandée en 1771 par Mgr Champion de Cicé, évêque de Rodez, révèle, quant à elle, d’autres facettes de cette microsociété pour laquelle le quotidien est souvent difficile. Forte de ses 42 hameaux, la paroisse comptait alors, aux dires du curé, 1 050 habitants, mais seulement 251 à Saint-Cyprien même. 204 personnes sont qualifiées de « pauvres », sans compter « une infinité d’étrangers qui viennent tous les jours du côté de l’Auvergne, de la montagne et autres endroits ». Bien que considéré comme un « endroit de grand passage », Saint-Cyprien ne disposait pas encore d’un « pont de pierre » pour franchir le Dourdou, mais seulement d’une « planche de bois », souvent emportée par les crues : un sérieux handicap pour les paroissiens résidant sur l’autre rive ! Les jeunes filles du village, quant à elles, pouvaient bénéficier d’un enseignement délivré par les sœurs de l’Union, et cette communauté religieuse avait même développé, au sein de leur établissement, une petite manufacture de laine pour occuper les bras de ses pensionnaires…
Même si la commune de Saint-Cyprien n’obtint pas d’être choisie comme chef-lieu de canton, elle devint assurément, au XIXe siècle, la plus attractive de la région, et à la diversité de ses activités artisanales répondait une agriculture relativement prospère qui, outre l’élevage, la vigne – sur les pentes ensoleillées – et les productions maraîchères, accordait une certaine importance à la culture du melon. Cependant, la crise du phylloxéra, les aléas climatiques et autres catastrophes naturelles mirent à mal, dans la deuxième moitié du siècle, ce fragile équilibre. La guerre de 1914, quant à elle, provoqua une terrible saignée humaine : quatre-vingts jeunes gens de la commune donnèrent ainsi leur vie sur les champs de bataille du nord de la France.
Saint-Cyprien, de nos jours, n’a rien perdu de son dynamisme économique. Si les activités agricoles et artisanales conservent toujours de leur importance, c’est tout un ensemble de services (centre médical, structure pour personnes âgées dépendantes (Les Myosotis), hôtel, restaurants, commerces…) ainsi que de nombreuses associations – sportives notamment – qui contribuent à la vitalité et au rayonnement de la localité. En outre, la commune historique de Saint-Cyprien, de loin la plus peuplée (865 habitants en 2013) parmi celles qui composent, depuis 2016, celle de « Conques-en-Rouergue », s’enorgueillit de compter près de quatre-vingts enfants scolarisés au sein de quatre classes.
Quelques éléments du patrimoine local
L’église de Saint-Cyprien est un édifice composite, sans réelle unité architecturale, mais elle n’en demeure pas moins un édifice digne d’intérêt.
De l’époque romane (XIIe siècle finissant), ne subsistent que les éléments de la travée porteuse du clocher, de plan sensiblement carré. Durant les XVe et XVIe siècles, l’édifice connut des aménagements importants : la tour-clocher, le chœur de style flamboyant avec son système de voûtement original à base de liernes et de tiercerons, les chapelles latérales et la première travée de la nef datent de cette époque. Les armoiries surmontées de la crosse et de la mitre sont celles d’Antoine de Rousselet, abbé de Conques, à la tête du monastère de 1520 à 1540. Le clocher, élevé en 1562, est l’œuvre du maître maçon Antoine Fumel. Au cours du XIXe siècle enfin – très exactement en 1847 et 1848 –, les trois travées de la nef et les collatéraux correspondants sont venus compléter ce vaisseau de pierre, béni en grande pompe le 24 octobre 1848.
Dans sa présentation actuelle, le mobilier ancien de l’église se limite à deux retables en bois peint et doré, datés des XVIIIe et XIXe siècles.
L’architecture de celui du maître-autel est constituée de quatre colonnes corinthiennes soutenant l’architrave, divisant ainsi l’ensemble en trois panneaux. Une peinture sur toile (XIXe siècle) représentant la scène de la Crucifixion garnit l’espace central, tandis que deux statues en bois doré (l’une d’elles pourrait figurer l’évêque Cyprien de Carthage) sont abritées dans des niches, de part et d’autre.
Le petit retable conservé dans la chapelle latérale du chœur, côté sud, mérite une attention particulière, en raison notamment de son tableau représentant une Sainte Famille. Récemment restaurée, cette œuvre, de bonne facture, est due au peintre ruthénois Joseph Pougeol. Elle lui fut commandée en 1715 par le notaire du lieu, François Laforgue, qui fit aménager cette chapelle, ainsi que l’atteste une inscription portée à même la toile.
Le village d’Arjac est cité, pour la première fois, en 958. Le toponyme renvoie peut-être à un nommé Arsius, à la tête d’un domaine antique.
L’église du lieu est un édifice massif, en grès rouge, construit aux XVe et XVIe siècles, sur une butte dominant la plaine de Saint-Cyprien, en fond de vallée. Parfaitement orienté, le monument, de plan quadrangulaire, s’achève par un chevet plat, flanqué de contreforts. Un clocher carré, à la jonction du chœur et de la nef, couronne l’ensemble de la construction. Une particularité rare est à signaler : l’existence, à l’étage supérieur, de salles aménagées pour servir de refuge à la population, en temps de trouble ; mais plus fréquemment, cet espace collectif pouvait aussi servir de lieu de stockage.
La nef est composée de trois travées ; deux chapelles latérales, au sud et au nord, sont venues se greffer sur ce vaisseau de pierre. L’ensemble de l’édifice a fait l’objet, sans doute au début du XVIIIe siècle, d’une remarquable décoration peinte (têtes joufflues, enroulements de végétaux, motifs géométriques …) bien conservée notamment à la voûte du chœur et au-dessus de l’arc triomphal.
Daté du XVIIIe siècle, le retable du maître-autel, en bois doré, comporte, en son centre, une toile figurant la scène de la Crucifixion, et les niches, de part et d’autre, abritent les statues de saint Roch et de saint François de Sales. Un panneau représentant l’Assomption couronne cet ensemble sculpté et rappelle le vocable principal de l’église.
Parmi les éléments du mobilier, il convient de signaler un beau tableau, exécuté en 1745 par le peintre Lemaire, donnant à voir l’élégante figure de l’Ange gardien conduisant par la main un jeune enfant. Occasion de rappeler l’existence, à Arjac, d’une confrérie de ce nom, instituée un an auparavant.
Le clocher abrite deux cloches du XIXe siècle : la plus ancienne fut fondue en 1836 par les frères Cazes, de Villefranche-de-Rouergue ; la plus récente, en 1855, par Cazes et Pourcel.
L’église de Saint-Julien de Malmont était une annexe de celle d’Arjac, siège de la paroisse. Sous l’Ancien Régime, l’on y administrait, cependant, les baptêmes ainsi que les messes de sépulture.
L’édifice, en grès rouge, se compose d’un chœur à chevet plat, édifié à la fin du XVe ou au début du XVIe siècle, et de chapelles latérales, de la même époque. Celle située du côté sud appartenait à la famille d’Arjac qui résidait au château du Cayla, tout proche, comme l’atteste la présence de ses armoiries, aussi bien à la clef de voûte, sur un culot sculpté ou sur le soubassement de la niche du retable, aujourd’hui dépourvu de sa statuaire d’origine. La nef, quant à elle, fut en partie refaite au XIXe siècle et l’ensemble des vitraux de l’église sont dus à la largesse du sénateur de l’Aveyron Jean Joseph Delsol (1827-1896), « bienfaiteur insigne de cette paroisse ». Les trois cloches placées dans le clocher ont été fondues à la même époque.
Un oratoire, doté d’un toit à quatre versants, s’élevait autrefois, face au portail d’entrée de l’église. À l’origine, ce petit monument abritait une croix de pierre sculptée, aujourd’hui replacée sous l’auvent du porche de l’église.
Datée du début du XVIe siècle, elle constitue, pour la région, un rare et bel exemple de ce type d’œuvre qu’affectionna tout particulièrement le Rouergue, à la fin de la période gothique et au début de la Renaissance. Sur l’une des faces est figurée la scène classique de la Crucifixion, avec, au pied de la croix, la présence de la Vierge et de saint Jean ; sur l’autre face, accompagnant une Vierge à l’Enfant, le commanditaire a choisi de faire représenter saint Julien, patron de la paroisse, et saint Antoine, particulièrement vénéré à cette époque.